Vélo by Léo — Lionel Solheid

Gaëtan Bille, le positionneur minutieux

Le retour des coureurs, c’est très gratifiant

Les débuts chez Charles Comijn, à Verlaine

L’étincelle qui fait jaillir le projet professionnel de Gaëtan, c’est une rencontre avec Christian Carnevali. « J’avais couru avec lui en 2014, chez Verandas Willems. Il disposait d’un appareil de mesure dont il n’avait plus l’usage, puisqu’il n’entraînait plus. Je l’ai récupéré, pour mes propres entraînements, mais aussi pour d’autres, car la recherche de la performance, c’était vraiment mon dada ! ».

Vu que les courses se raréfiaient au vu de la situation devenue épineuse avec Nick Nuyens, le Soumagnard d’adoption (il habite alors dans un appartement à Ayeneux) commence à structurer cette activité. « Au début, je préparais des potes dans un garage, en mesurant leurs paramètres. Je les entraînais pour qu’ils soient les plus performants possibles lors de leur cyclo-sportive » .

Et Gaëtan franchit une étape supplémentaire en rejoignant un centre multidisciplinaire à Verlaine. « J’en avais parlé à un ami, Charles Comijn, qui avait un cabinet ostéopathe (et grand amateur de vélo) dans ce centre. Il m’y a gentiment accueilli, alors que je ne disposais d’aucun diplôme, je n’étais que coureur ».

Raison pour laquelle il décide d’investir dans une série de formations, en poursuivant, en parallèle, les tests et entraînements pour des objectifs très variables. « D’un jeune qui faisait une saison complète à un cyclo qui partait faire la Marmotte en juillet. C’est vraiment comme ça que cela a débuté ». Et Gaëtan va partager son temps entre Verlaine et le Grand-Duché… « J’en avais aussi parlé à un ami qui avait un centre de coaching à Luxembourg, du coup, le mercredi, je me rendais dans la capitale grand-ducale, et le samedi en Hesbaye ».

La transition entre les deux carrières était consommée… « Je me suis dit que j’avais été heureux comme coureur et que j’étais aussi content de ne plus l’être. Avec cette nouvelle activité, je retrouvais un contact humain, que le cyclisme de haut niveau a tendance à désincarner… je connais pas mal de coureurs de World Tour qui éprouvent des difficultés après leur carrière, car ils n’ont jamais eu de vie que l’on peut qualifier de normale et souvent, ils tombent de haut« .

Et la machine se met doucement en route… « De nombreux coureurs sont venus vers moi en se plaignant des conseils qu’on leur prodiguait au niveau de leur position sur la selle: j’ai alors pris des contacts avec l’UCI, mais aussi avec Fred Grappe, directeur performance au sein de l’équipe de la FDJ, et j’ai trouvé la formation qu’il me fallait, en Angleterre… il est vrai que les méthodes qui venaient de là, notamment au sein de l’équipe Sky, m’intriguaient ». Durant l’été 2018, Gaëtan se rend donc outre-Manche, pour se former auprès du pape de la position, à la Torke Cycling de Bath, « même si j’angoissais un peu au niveau de la langue ».

La parenthèse Rebellin

Mais entretemps, le Fouchois va reprendre du service sur un vélo. Il se laisse séduire par le projet un peu fou de Geoffrey Coupé, le projet Sovac, pour rouler notamment aux côtés du vétéran italien Davide Rebellin. « Incroyable…un coureur dont j’étais fan quand j’étais jeune. Et comme j’avais encore besoin de courir, ne serait-ce que pour payer mes factures, j’ai accepté. Je savais allier les deux, car il est vrai que pour vraiment structurer mon nouveau projet professionnel, ça prenait beaucoup de temps ».

Et le pari Sovac plaît à Gaëtan. « Surtout humainement parlant, j’y ai pris du plaisir, parce que je me suis retrouvé avec des gars comme Florian Deriaux, Robin Stenuit, Laurent Evrard, Louis Deguide, un super groupe avec lequel j’ai encore beaucoup de contacts ». Et comme il n’était pas question de rebondir une fois encore, « je ne ne consacrais que 25 à 30 heures de vélo par semaine…trouver un dernier plaisir à vélo ». Gaëtan gagne encore quelques courses, mais surtout voyage beaucoup: « Avec un tout petit budget, Geoffrey parvenait à monter des projets très chouettes, nous sommes partis au Maghreb, à Dubaï...et j’ai surtout découvert l’attrayante et attachante personnalité de Rebellin: la vie de ce mec, elle se passe à 100% sur un vélo et évidemment s’astreint à une hygiène de vie exemplaire. Déjà qu’il inspire le respect par son calme olympien. Je me souviens, dès 6h du matin, il se levait de son lit, pour débuter des étirements. Tous les avis, dans le peloton, étaient unanimes à son égard, un exemple de professionnalisme ». A l’époque, Davide avait 47 ans. « Il me disait, si un jour je n’ai plus d’équipe, je voudrais encore pouvoir faire des stages… Sa vie, c’est faire 40.000 km à vélo durant l’année, il n’y a pas d’autre alternative. On a vraiment passé de très bons moments ensemble ».

Cette année-là, avant de partir pour l’Angleterre, Gaëtan prépare à fond le championnat de Belgique, qui se déroule en Wallonie, à Binche… un échec, le niveau était devenu trop élevé pour lui. Ce sera sa dernière grande course en Belgique.

Il se recentre alors entièrement sur son nouveau projet et commence à appliquer à Verlaine ce qu’il a appris chez les Anglo-Saxons. Et un nouveau déclic se produit: « Le coureur pro Remi Mertz (alors chez Lotto) le contacte afin qu’il travaille à l’amélioration de sa position ». Sa première course, après avoir bossé avec Gaëtan, c’est Binche-Chimay-Binche. « Je m’y suis rendu expressément et Remi fait le final de la course. Et à l’issue de celle-ci, il me dit être ravi de sa position, de la puissance qu’il en retire. Cela m’a évidemment mis en confiance et j’ai su alors que je pouvais commencer à recevoir des gens ».

Le bouche à oreille commence à bien fonctionner. « Au cabinet, je fais essentiellement du fitting. On travaille vraiment dans le détail, jusqu’au choix de la selle. C’est passionnant, car un client n’est pas l’autre. Il faut se creuser pour trouver des solutions adaptées. Leur retour est surtout très gratifiant, peu importe leur niveau ».

A titre d’exemple, Gaëtan évoque une belle anecdote… « Un jour, une dame âgée m’appelle pour son mari. Ce septuagénaire va régulièrement faire des sorties à vélo mais à chaque fois qu’il rentre, il pleure de mal. Quand je l’ai reçu, j’ai constaté qu’il ne savait plus plier son genou, pas plus qu’une amplitude de 20°, et donc pas moyen de faire le tour du pédalier, sans se déhancher énormément sur le vélo. Et malgré cela, il faisait des sorties de deux heures: le vélo, c’était toute sa vie… Et donc nous avons entamé un travail avec lui, en faisant faire une petite manivelle, comme pour un tricycle, adaptée à son problème, à l’amplitude du roulement. On a créé un pédalier sur mesure, ce qui lui a permis de faire de nouveau des sorties de 4-5 heures sans plus souffrir: il m’en remercie encore régulièrement, c’est ce genre de retour qui est gratifiant ».

Gaëtan a obtenu de bons résultats avec plusieurs jeunes, grâce à des collaborations approfondies. « Dans ce cas ce n’est plus deux heures de bike-fitting, on va plus loin ».

« Du vélo soleil »

Nouvel épisode insolite dans l’après-carrière de Gaëtan: par l’entremise de Geoffrey Coupé, il reçoit une proposition de la Guadeloupe. « Le club du Lamentinois me proposait de refaire de la compétition et aider à former l’équipe, mais je n’avais plus beaucoup de temps à consacrer à un autre projet… On a finalement trouvé un arrangement: je partais trois fois un mois durant l’année… Franchement, la Guadeloupe, ça ne se refuse pas…c’est du vélo « soleil », c’est paradisiaque. J’avais trouvé un bon équilibre avec mon travail en Belgique, et en plus, humainement, j’y ai fait de superbes rencontres ».

Grâce à des voyages sporadiques, Gaëtan est parti y structurer l’équipe, notamment au niveau matériel. « Il était prévu que les Guadeloupéens viennent à Malmedy durant trois semaines, pour découvrir notre pays, mais avec le covid… Cette expérience, c’était vraiment le panard: rester dans le vélo, sans devoir retourner dans le monde professionnel, ce qui me donnait vraiment l’impression d’avoir décroché. Car le milieu pro, cela reste un monde à part. Personnellement, cela ne m’intéresse pas de devenir entraîneur dans une équipe, je suis très bien comme ça ».

Et les projets continuent à se succéder, avec l’ouverture, en 2020, d’un centre d’entraînement à Herve, avec Christophe Warnier« C’était un peu dingue cette cadence ininterrompue, depuis la fin de ma carrière de coureur. En plus, je suis devenu papa… Au centre, cela bossait ferme, on a ouvert tous les jours durant l’hiver, quasi comme une salle de sports classique. Avec le travail qui se structurait en Guadeloupe, je me suis retiré du projet et Christophe a repris le centre tout seul, puis il a dû fermer à cause du covid… Comme pour beaucoup de gestionnaires de ce type d’infrastructures, sincèrement je le plains ».

Le confinement a par contre permis à Gaëtan de souffler un peu, de refaire du sport, mais surtout de pouvoir profiter de son bébé. « C’est le plus cadeau que la vie puisse faire... Vous savez, quand on est cycliste pro de haut niveau, on a l’impression de marcher sur le toit du monde, mais cela n’a aucune commune mesure avec ce qu’apporte le faite d’avoir un enfant ».

Aujourd’hui, Gaëtan est détenteur d’un diplôme d’entraîneur et il espère désormais pouvoir enfin suivre sa formation à l’UCI, mais tout est retardé à cause de la crise sanitaire. « C’est une formation d’un mois que je devais passer avec un de mes anciens équipiers de Verandas Willems 2017, Sander Cordeel. A la base, il espérait poursuivre comme coureur et intégrer le projet Alpecin, mais à cause de Nuyens, cela s’est terminé en eau de boudin. Il s’est alors réorienté comme entraîneur dans la région de Courtrai, avec Alphonse Vermote, le frère de Julien ».

Au niveau du bike-fitting, nous l’évoquions précédemment, Gaëtan a obtenu son diplôme international en Angleterre, et il aimerait encore approfondir au niveau technique. Le Fouchois a retrouvé en partie sa province natale, puisqu’il dispose d’une implantation dans la région d’Houffalize, et l’autre dans le centre multidisciplinaire de Verlaine, « où désormais il y a en plus un cabinet en cardiologie-pneumologie, ce qui permet de créer des passerelles et collaborer. Nous avons déjà pu l’expérimenter avec le club du CC Chevigny qui est venu y faire des tests. Nous nous professionnalisons de plus en plus, tout comme Laurent Mars désirait le faire pour son équipe ».

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